Cite this article as: Mamoudou M. A. & Oumarou Y. H. (2025). Balda: Centre Stratégique au Sein du Lamidat De Bogo. Zamfara International Journal of Humanities, 3(1), 87-100. www.doi.org/10.36349/zamijoh.2025.v03i01.010.
BALDA: CENTRE
STRATÉGIQUE AU SEIN DU LAMIDAT DE BOGO
Mouhamadou Aminou
Mamoudou
Yasminatou Hamadou
Oumarou
Université de Maroua,
Département des Sciences Historiques Archéologiques et du Patrimoine, Maroua,
Cameroun
Abstract: Le sujet porte sur « Balda, un
centre stratégique au sein du lamidat de Bogo », un thème clé pour comprendre
l'histoire politique et sociale du lamidat de Bogo. Balda, est un village ou
localité dont les origines remontent à des périodes historiques anciennes de
l’histoire du Cameroun. Il a joué un rôle central dans le peuplement de la
région et dans les dynamiques de pouvoir au sein du lamidat de Bogo. En effet,
il est question dans ce travail de comprendre les facteurs qui ont conduit
Balda à devenir un enjeu stratégique, tant sur le plan politique qu'économique
du lamidat de Bogo. La problématique qu’explore cet axe de recherche est celle
de savoir comment Balda a été une sphère d'influence dans la conquête du trône
de Bogo et en quoi cette localité est devenue une terre d'accueil privilégiée
pour des figures marquantes comme Modibbo Hayatou? Les objectifs de l'étude
sont de retracer l'histoire de Balda, d'analyser son rôle stratégique dans la
lutte pour le pouvoir à Bogo, et d'évaluer l'impact de l'arrivée de Modibbo
Hayatou sur son développement. Les hypothèses posent que Balda doit sa position
stratégique à des facteurs politiques, économiques et géographiques qui ont
influencé le cours de l’histoire et des évènements. L'approche méthodologique
se base sur la démarche historique et analytique, reposant sur des sources
documentaires et des témoignages locaux.
Most Clés: Lawanat, stratégique,
peuplement, influence, lamidat
Introduction:
Balda, une localité emblématique du lamidat de Bogo, occupe une place
prééminente dans l’histoire du Nord-Cameroun, tant sur le plan stratégique que
symbolique. En tant que lawanat,
Balda a joué un rôle déterminant dans le peuplement de la région et dans les
dynamiques politiques qui ont façonné le lamidat[1]
de Bogo. La localité de Balda dépasse le simple cadre géographique ; elle est
devenue un carrefour stratégique dans les luttes du pouvoir[2]
et un centre d’échanges économiques essentiels de la région. La question
centrale de cette étude concerne la manière dont Balda a émergé comme un point
stratégique[3] dans la
conquête du trône de Bogo.
Le problème que soulève ce sujet de recherche
ou article réside dans la compréhension des facteurs qui ont contribué à ce
statut de sphère stratégique. La problématique explore les mécanismes par
lesquels Balda a acquis une telle importance dans le jeu politique et comment
elle est devenue un refuge prisé pour des figures influentes comme Modibbo
Hayatou. Ce travail évoque trois objectifs dont il convient d’énumérer.
Premièrement, il s’agit de rappeler l’historique de Balda en mettant l’accent
sur sa genèse et son éution ; deuxièmement, d’analyser le rôle que Balda a
joué dans la conquête du trône de Bogo et troisièmement, de cerner les effets
de l’installation du petit-fils de Dan Fodio en la personne de Modibbo Hayatou
sur l’émancipation ainsi que l’expansion de cette entité sociopolitique qui est
Balda. Selon les hypothèses, l’atout stratégique qui fait la fierté de Balda
est dû grâce à la combinaison de plusieurs facteurs qui sont entre autre
géographiques, politiques et économiques. Dans un but de connaître profondément
l’historique de cette entité sociopolitique, l’approche méthodologique utilisée
dans ce travail est d’une part historique et d’autre part analytique. Cette
approche vise à effectuer une enquête minutieuse des sources écrites et orales
obtenues à Balda et au sein du lamidat
de Bogo sans oublier également le lawanat
de Madaka et Ouro-Messéré. En examinant, ces données, il ressort que cette
étude permet d’appréhender que Balda a une histoire très riche dont il faut
toujours saisir pour comprendre les enjeux du pouvoir à Bogo.
1. ORIGINE ET HISTORIQUE DE PEUPLEMENT DE BALDA
Dans cette partie, il convient d’énumérer la
genèse du lawanat de Balda et son
historique de peuplement.
1.1.
Origne
Balda est une localité située dans la région
de l’Extrême-Nord, département du Diamaré et arrondissement de Bogo. C’est une
entité politique qui englobe plus de 2100 personnes en 2010[4]. Cette entité politique peule possède une histoire très
important faisant même le rayonnement de Balda sur tous les autres lawanats subalterne du lamidat de Bogo. L’origine du nom Balda
remonte dans un loin passé. Son histoire est très complémentaire à celle du lamidat de Bogo. L’histoire du lawanat de Balda se confond avec celle
du lamidat de Bogo. Désignés par le
nom de Baldanko’en, ils se
dénommaient eux-mêmes Mala ou Malda. Mais ce nom a été transformé par
les Peuls dès leur arrivée en Balda (Eldridge Mohammadou, 1988:136-156). C’est
dans cette même vision que l’hypothèse recueillie auprès d’Adama Dahirou[5], Balda aurait pris son nom du peuple Baldanko’en qui étaient un mélange de
Guiziga et de Zoumaya. Donc, Balda signifie « lieu où habitait les peuples Baldanko’en ».
Eldridge Mohammadou fournit une analyse
détaillée de ces origines. Selon cet auteur, Balda naquit de la confluence de
plusieurs vagues migratoires qui ont marqué le paysage de cette partie du
Cameroun. Il explique que, dès les premiers siècles de notre ère, la région de
Balda a attiré des groupes nomades et sédentaires en raison de sa position
géographique stratégique, située entre les routes commerciales et les
ressources naturelles essentielles. Mohammadou met en avant que cette position
a facilité les échanges économiques et culturels, contribuant à la formation
d'un centre dynamique qui a progressivement acquis une importance régionale. Il
décrit comment les migrations des Peuls et des autres groupes ethniques ont
modelé le développement de Balda, en favorisant la création d'une communauté
interethnique soudée par des liens commerciaux et politiques (Mohammadou, 1988)
Ce processus de formation a été marqué par des alliances et des conflits, ce
qui a renforcé la position de Balda en tant que centre de pouvoir local et
régional. Balda a plusieurs ethnies qui ont contribué à son rayonnement.
1.2.
Historique du peuplement
Le peuplement de Balda est marqué par
l’interaction complexe entre les peuples autochtones et les migrations
successives. Les Baldanko’en,
premiers habitants de la région, constituent le noyau historique autour duquel
la communauté de Balda s’est formée. Les Baldanko’en
sont les descendants des premiers groupes qui se sont installés dans la région
en raison de sa position stratégique et fertile. Les sources orales racontent
que les Baldanko’en en se sont
établis à Balda en raison de la disponibilité des ressources naturelles,
notamment les terres agricoles et les points d'eau, qui étaient essentiels à
leur subsistance. À cet effet, les Baldanko’en
ont bâti leur cité autour des clans et des pratiques endogènes et ce qui a jeté
les soubassements d’une organisation sociale fiable et stable pour eux. Ils
s’adonnaient constamment à l’agriculture et à l’élevage qui ont l’atout
important pour leur économie. Leur implication dans ces activités leur ont
permis de prospérer sur toute l’étendue de Bogo[6].
L’avènement des Peuls dans la localité de
Balda a été perçu comme une phase important de l’histoire de peuplement de
cette structure politique. La migration peule au Nord-Cameroun ayant début au
XVIIIe siècle a permis à ces derniers de s’installer également à Balda. Pour
maintenir leur position à Balda et s’imposer au sein des autochtones qui sont
les Baldanko’en, les Peuls, ont tissé
des alliances matrimoniales, les échanges commerciaux mais aussi culturels.
Cette interaction a permis à la cohabitation pacifique entre les Peuls et les Baldanko’en[7].Les
Peuls ont introduit des pratiques nouvelles en matière de gestion du bétail et
ont enrichi le patrimoine culturel local par leurs traditions et leur mode de
vie. La fusion de deux groupes a contribué à façonner la dynamique sociale et
économique de Balda, transformant la localité en un centre de diversité
ethnique et culturelle. Cette cohabitation a non seulement renforcé le rôle
stratégique de Balda dans la région mais a également favorisé une riche
mosaïque culturelle, marquée par la complémentarité entre les Baldanko’en en et les Peuls[8].
Comme le souligne l’historien camerounais, Alain Foka: « Nul n’a le droit d’effacer une page de l’histoire d’un peuple car un peuple sans histoire est un monde sans âme »[9]. Ainsi, les premiers habitants de Balda furent les Baldanko’en qui est un peuple ayant des similitudes avec les Guiziga et les Zoumaya. Cette entité sociopolitique peule s’observe sur la photo ci-dessous.
Photo 1: Le lawanat de Balda
Cliché: Yasminatou Hamadou Oumarou, Balda, le 1er juin 2019
Cette
photo présente une vue de face du lawanat
actuel de Balda, situé dans le quartier Gare,
qui abrite le siège de ce lawanat. Ce
palais est construit en briques et doté de portes rouges. Devant l'édifice, un
drapeau camerounais est érigé. Sur la droite, un hangar est visible, servant de
lieu de repos pour le lawan, tandis
qu'à gauche, un petit mur de protection entoure partiellement la structure. À
l'intérieur, on peut observer, de gauche à droite, les « Nimiers[10] ». En arrière-plan, se dresse majestueusement une
montagne, qui ajoute une dimension imposante à la scène, soulignant
l'importance géographique et symbolique de cette chefferie. La montagne, en
tant qu'élément naturel, semble protéger et dominer le territoire, renforçant
l'autorité traditionnelle incarnée par le lawanat,
tout en évoquant la permanence et la stabilité du pouvoir local. Ainsi, la mosaïque de peuples que
foisonne Balda a fait de lui un centre stratégique pour la conquête du trône de
Bogo
2. BALDA: UN ENJEU STRATÉGIQUE DE LA CONQUÊTE
DU TRÔNE DU LAMIDAT DE BOGO
Le lawanat
de Balda occupe une place centrale dans le pouvoir du lamidat de Bogo. Ainsi, tout prince[11] souhaitant accéder au titre de lamido doit devrait
nécessairement s’intéresser à cette zone stratégique. Divers aspects en font un
enjeu majeur.
2.1. Rôle
politique
Balda est un lawanat qui compte plus de 16 djaouro,
selon un arrêté préfectoral. Tous ces djaouro
sont placés sous l'autorité du lawan
Dahirou Mouhammadou depuis son accession au trône[12].
Ce lawanat comprend les quartiers suivants: Balda-Gare,
Kourdaya, Ouro-Dolé, Bogore-Ardo Haman, Maïdjibé, Ouro-Zanga, Ouro-Yayres,
Ouro-Bame, Tsakawo, Kagawo, Soulkandou,
Danki I, Danki II, Yamdji-Djimre, Blama Tokoré, Yamdji-Djimre-Mousgoum,
Woïla-Hosseré, Balda-Massa, Goulof, et Ouro-Hardé.[13]
Avant de souligner l'importance de Balda, il
est pertinent de s'attarder sur le commandement central auquel le lawanat de Balda est soumis. En effet,
Balda est subordonné au lamidat de
Bogo, fondé par les Peuls entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Comme nous l'avons
mentionné, Bogo a d'abord été un royaume, puis un arrondissement, et est
aujourd'hui une Collectivité Territoriale Décentralisée (CTD), ou un mélange de
ces trois statuts. Bogo est, depuis environ 200 ans, reconnu comme l'une des
principales forteresses peules du pays (Seignobos, 2000 cité par Charara, 2011: 129). Bogo
se situe à la limite de l'aire culturelle soudanaise, étant en fait le dernier
"bastion" peul à l'est. Au-delà du cordon dunaire, on entre dans une
zone d'identité culturelle mousgoum (Charara, 2011: 131).
Ainsi,
Balda est un lawanat sous la
dépendance du lamidat de Bogo depuis
sa création, vers 1747, par Oudjiri[14],
un Peul migrant venu du Mali. Cela montre pourquoi ce lieu est une sphère
stratégique. Depuis la fondation de ce lawanat,
son système s'observe sous deux aspects principaux: politique et économique.
Sur le plan politique, Balda est considéré comme le deuxième centre de
commandement après le lamidat de
Bogo. La majorité des lamibe de Bogo
ont été des lawan de cette sphère
politique et des princes de premier plan. Chaque lamido qui accédait au trône de Bogo installe son fils ou son frère
à la tête de ce commandement de Balda. En 1970, le lamido
Mouhammadou Oussoumanou a intronisé son fils, le prince Dahirou, à la tête de
ce lawanat. Selon les sources
archivistiques[15]
recueillies:
- Article 1er stipule que:
« Est homologuée la désignation faite selon les règles coutumières de
Monsieur Dahirou Mouhammadou en qualité de lawan
de Balda, arrondissement de Bogo, département du Diamaré, en remplacement de
Monsieur Yerima Bouba,
destitué ».
- Article 2: « Monsieur Dahirou Mouhammadou
percevra à ce titre, annuellement par douzième payé mensuellement et à terme
échu, la ration servie à son prédécesseur, imputable sur le budget du Cameroun
Oriental, Chapitre 03 ».
De plus, la majorité des princes de Bogo ont
un dicton permanent qui dit: « Tout prince qui accède au trône de Balda a
plus de fortes chances de gouverner un jour Bogo ». Cette croyance était
profondément ancrée dans l'esprit de tous les princes de Bogo, ce qui explique
l'importance politique accordée à cette zone. Ainsi, tout lamido prépare sa succession à partir de ce lawanat en intronisant son favoris qui peut etre son frère ou son
fils à la de ce lawanat.
« En tout état de cause, et pour régulariser la
situation de ces lawanats pour le bon
fonctionnement du service, je rappelle que le lamido avait destitué Yerima
Bouba dans l'intention de placer son fils Yerima
Dahirou à la tête de cet important lawanat
de Balda. Les relations entre l'administration et le lamido de Bogo ayant beaucoup éué ces deux dernières années, je
pense que nous pouvons confier Balda à Yerima
Dahirou et surveiller son comportement »[16].
Ces différents arguments convergent avec ceux
de Yerima Dahirou, qui est le lawan de Balda depuis 1970, jusqu'à aujourd'hui. Selon ce dernier:
« Balda est un lawanat très important à nos yeux,
nous, les princes de Bogo. Et son attrait ne cesse de croitre chaque jour. Ce
lawanat a toujours été géré par notre lignée. La preuve en est que les cinq
générations qui ont dirigé Balda sont mes parents, grands-parents et aïeux.
Parmi eux, il y a Gare, Oussoumanou Gare, Mouhammadou Oussoumanou, Bouba
Oussoumanou, et moi-même, Dahirou Mouhammadou ». Cela montre l'importance
accordée à ce lawanat.[17]
Dans ses travaux, Eldridge Mohammadou a
montré que la gestion du lawanat de
Balda a toujours été une affaire de famille. Lors de son départ en 1894, le lawan
Bakari confie le commandement de Balda à Waziri Alioum, l'un de ses notables (Eldridge Mohammadou, 1988:156). En 1908, Waziri
Alioum, préférant obéir directement au lamido
Soudi plutôt que de dépendre d'un vassal de ce même lamido, quitte Balda pour Fadaré.
Le lamido Bakari confie alors ce
territoire à son frère cadet, Oussoumanou. Mais en 1925, Oussoumanou est appelé à assumer les
fonctions de lamido de Bogo. Il
choisit donc son neveu, fils de Babba, pour le remplacer à Balda. En 1931, Malloum
est muté et nommé lawan de Guinglay, tandis que Balda est confié au
fils ainé du lamido Oussoumanou,
Mouhammadou. Toute personne qui aspire à devenir lamido de Bogo devrait commencer par Balda, sans quoi cela serait
difficile. Depuis des générations, Balda a vu éuer de nombreux lawan qui ont fini par être intronisé
comme lamibé à Bogo, ce qui explique
l'importance de ce lawanat. Sa
politique est la plus influente de tous les lawanats
du lamidat de Bogo. De plus, Balda
est un lawanat, qui regorge des
savoirs ayant abrité de nombreux savants religieux tels que Modibbo Hayatou, Modibbo Ahmadou, Modibbo
Oussoumanou, Modibbo Bello et Modibbo Oumara[18].
Ainsi, en combinant les sources orales, écrites, et archivistiques, il est clair que le lawanat de Balda est un centre de commandement crucial pour tout prince désirant accéder au trône du lamidat de Bogo. La preuve en est que plus de 70% des lawan ayant dirigé Balda ont accédé au trône du lamidat de Bogo. Si Balda est considéré comme une zone stratégique importante sur le plan politique, il est également essentiel de souligner son role économique, qui est la base de son rayonnement.
2.2. Rôle
économique
Balda possède une économie très dynamique ce
qui explique également un atout important que ce lawanat possède au sein du lamidat
de Bogo. L’agriculture et l’élevage sont le pilier essentiel de son économie.
La présence de l’eau en permanence est un moyen idéal qui permet la prospérité
de plusieurs culturels (mil, arachide, maïs, niébé…)[19]. En outre, Balda
parfois défie l'autorité du lamidat
de Bogo pour gérer son économie florissante. Par exemple, Yerima Bouba Oussoumanou a résisté aux ordres de son frère, le lamido de Bogo, Mouhammadou Oussoumanou.
Il est mentionné que l'impôt de Balda n’était pas entièrement payé à temps,
contrairement aux autres villages.[20]
Balda est
un centre économique clé du lamidat
de Bogo, en particulier pour ses cultures comme le coton, le niébé et le mil.
Lorsque les récoltes de ces produits chutent, l'économie de Bogo en souffre
également. La culture du mil est particulièrement importante pour Balda, avec
des rendements élevés et une grande partie de la production étant exportée vers
Bogo. Les habitants de Balda sont parmi les principaux producteurs de mil dans
la région, fournissant une part significative au marché de Bogo[21]. L'élevage est
également crucial pour l'économie de Balda[22]. Chez les Peuls,
l'élevage est une source majeure de richesse. A Balda, les Peuls possèdent de
nombreux troupeaux, ce qui contribue à des prix compétitifs pour la viande et
le lait. La transhumance, le déplacement des troupeaux vers les Yayres, est une pratique courante, bien
que certains troupeaux se dirigent désormais vers d'autres zones comme Balaza-lamido et Malam-Petel.
En
résumé, Balda est une zone stratégique à la fois politiquement et
économiquement. Son importance politique est démontrée par le fait que de
nombreux lamibe de Bogo ont d'abord
été lawan à Balda. Économiquement,
Balda est l'un des principaux centres de production de mil et d'élevage dans le
lamidat de Bogo. En plus de son rôle
politique et économique, Balda a aussi attiré des figures religieuses
importantes, comme Modibbo Hayatou.
3. BALDA: TERRE D’ACCUEIL DE MODIBBO HAYATOU
Lawanat fier de son histoire et symbole de conquête du trône de
Bogo, le lawanat de Balda est
également connu pour son hospitalité et sa générosité envers Modibbo Hayatou. Avant de discuter des
raisons de son installation, du rayonnement de Balda lors de son arrivée et de
l'impact de son influence sur les lamidats
de Bogo, Maroua, Mindif et Yola, il est important de se pencher sur la personne
de Modibbo Hayatou.
Né à
Sokoto vers 1840, Modibbo
Hayatou a été éduqué par son père Said, un homme respecté pour sa sagesse et sa
piété. Comme beaucoup de jeunes hommes brillants de son époque, Hayatou
participait aux séminaires et aux récitations pour promouvoir l'apprentissage à
Sokoto. Après la mort d'Abubakar, son père Said a perdu l'élection en faveur de
son frère Mazu, ce qui a déçu Hayatou. Il a alors cherché à augmenter ses
propres chances de succéder au trône de Sokoto à distance. Décidant de quitter
Sokoto, il a cherché fortune ailleurs pour reconquérir le trône. Il est ainsi
arrivé à Adamawa en 1878 avec trente-trois étudiants et assistants sous le
règne du lamido Sanda (Eldridge
Mohammadou, 1976 ;
Njeuma, 1978). L'installation de Modibbo Hayatou à Maroua fut brève, car
le lamido Sali l'a encouragé à se
rendre sur les terres de Bogo, plus précisément à Balda (Eldridge Mohammadou, 1988: 142). Le lawan Gare, qui n'avait pas le choix et n'avait pas été consulté, a dû
accepter de l'héberger. La principale motivation de cet accueil était que Modibbo Hayatou était un descendant du Sehou. Après cette brève présentation de
Modibbo Hayatou, Il est essentiel
d'examiner les facteurs politiques, économiques[23] et religieux qui ont
motivé son choix de s'installer à Balda.
Les Peuls sont réputés pour leur habileté en politique, utilisant souvent la stratégie « diviser pour mieux régner »[24]. Cette compétence est particulièrement visible dans le clan Férobé, connu pour ses talents diplomatiques. Pour pacifier Maroua, les Peuls ont monté le chef Bi-babarang contre ses frères guiziga afin d'accéder au trône (Eldridge Mohammadou, 1976). Modibbo Hayatou a appliqué une stratégie similaire à Balda pour obtenir le pouvoir. A cette époque, Bogo traversait une crise de succession entre les princes Gare et Bakari, qui luttaient pour le commandement. Après une confrontation violente en 1890, le prince Bakari perdant se réfugia à Balda. Hayatou fit alors la connaissance de Bakari et s’installa à Balda, profitant des querelles pour s’implanter. Eldridge Mohammadou (1988 :143) souligne cet aspect politique, notant que Hayatou, en plus de la fibre religieuse, profita des rivalités pour étendre son influence, attirant autour de lui des disciples et des partisans.
3.2. Facteur économique
Balda est reconnue pour son économie
prospère, ce qui a attiré diverses personnes depuis sa fondation. Cette
prospérité a également attiré Modibbo
Hayatou au Nord-Cameroun. Une fois installé, Hayatou constata que la région
offrait des conditions idéales pour l’agriculture et le paturage. Blama Tchari note que Balda était
célèbre pour ses marchés d’esclaves, avec quatre marchés importants: Danki, Balda Gare, Kourdaya et Daifa,
ce dernier étant le plus fréquenté et rentable. Les esclaves étaient
transportés depuis Djowde[25],
près du Nigéria, pour etre revendus à Daifa.
Aujourd'hui, ce marché est devenu une ruine, mais son passé en tant que centre
d'esclavage a attiré Hayatou. En outre, la présence de la mare « Wehndou mizil »[26],
près de mont de Balda, fournissait de l’eau pour l’abreuvage des troupeaux et
l’agriculture, rendant la localité encore plus attrayante pour Hayatou[27].
3.3. Facteur militaire
Le facteur militaire occupe une position
stratégique comme le souligne Tuan en montrant que:
Les peuples établis
en altitude bénéficient d’une position stratégique qui leur permet de
surveiller les alentours et de contrôler les voies d’accès cruciales, comme les
cols et les passages étroits. Cette hauteur procure également un avantage
tactique important, facilitant la défense contre des forces numériquement
supérieures, en transformant le terrain en un véritable obstacle pour les
envahisseurs (Tuan, 1977).
Le
facteur militaire a également joué un rôle décisif dans l’installation de Modibbo Hayatou à Balda. La montagne
située derrière Balda offre une défense naturelle contre les attaques ennemies[28]. Bah explique que
dans le Soudan occidental, les reliefs et le couvert végétal étaient utilisés
pour protéger les populations. Les cavernes, grottes et falaises servaient de
refuges et les points dominants du relief permettaient de surveiller les environs
(Bah, 1985: 42-43). La montagne de Balda a ainsi constitué un atout
stratégique pour Hayatou. Selon Njeuma, lors de la bataille de Balda en 1890, la montagne a aidé
les troupes de Hayatou à se retirer face aux forces alliées de Yola, Maroua,
Mindif et Bogo, utilisant le terrain pour échapper à l'ennemi (Njeuma, 1978: 165).
La montagne de Balda s'est imposée comme l'un des sites stratégiques majeurs du Nord-Cameroun, jouant un rôle essentiel à plusieurs époques. En particulier, lors des conquêtes peules, elle a servi de point fortifié et de refuge stratégique pour Modibbo Hayatou, contribuant ainsi à la consolidation de son pouvoir et à la défense de ses territoires face aux assauts ennemis. Grâce à sa position géographique et à son relief, Balda a offert un avantage militaire significatif, permettant une surveillance efficace des environs et une défense renforcée, faisant de ce site un atout central dans les stratégies de guerre de l'époque. Cette montagne est à observer sur la photo ci-dessous.
Photo 2: La montagne de Balda
Cliché: Mouhamadou Aminou Mamoudou, Balda le 05 juin 2020
On peut
observer la majestueuse montagne de Balda, autrefois un site stratégique clé
utilisé par Modibbo Hayatou pour
fortifier ses positions lors des conquêtes peules. Située au cœur de paysages
contrastés, cette montagne domine une région où l'on remarque, d'un côté, des
arbres soigneusement plantés, symbolisant un effort de reboisement ou de
préservation, et de l'autre, un vaste étendu aride, témoignant de la rudesse du
climat local. Ce contraste saisissant entre végétation et terre desséchée met
en relief les défis environnementaux auxquels la région est confrontée, tout en
rappelant l'importance historique et stratégique de ce site au fil des siècles.
En résumé, les raisons qui ont poussé Modibbo
Hayatou à s’installer à Balda sont d’ordre politique, économique et militaire.
Ces facteurs ont permis à Hayatou de renforcer la position de Balda et de
rayonner au-delà du lamidat de Bogo.
4. L’ÂGE D’OR DE BALDA SOUS MODIBBO HAYATOU
Si Balda est connue comme une localité qui a
hébergé Modibbo Hayatou, cependant,
grâce à lui, Balda a connu une renommée très importante. L’histoire de ce lawanat est complémentaire avec celle du
lamidat de Bogo.
4.1.
Rayonnement religieux et attractivité de Balda
Sous l'influence de Modibbo Hayatou, Balda est devenue une localité d'importance
régionale, marquant un tournant décisif de son histoire[29].
Modibbo Hayatou a profondément marqué
Balda en y instaurant le mahdisme[30],
une idéologie religieuse qui a fortement contribué à son rayonnement. Dès son
arrivée, Hayatou a mis en place des institutions religieuses et organisé des
conférences dans sa mosquée pour diffuser ses enseignements. Il a habilement
mobilisé les voies des Malloum, des
chérifs, et des savants pour transmettre son message à de nombreux hommes
d'esprit religieux. Cette stratégie a attiré à Balda une grande quantité de
croyants et d'érudits religieux, renforçant ainsi sa position en tant que
centre religieux majeur[31].
Parallèlement, l'immigration des
ressortissants du pays haoussa a joué un rôle crucial dans le développement de
Balda. Les fils et compagnons de Modibbo
Hayatou, tels qu'Ahmadou, Abbas, Maytorare, Mal Alim, et Moza Ilou, ainsi que
ses dignitaires comme Mo-Allah-yidi, Mato, Akal, et Chehouwa, ont rejoint Balda
et ont contribué à son expansion rapide. La ville est rapidement devenue une
bourgade animée, avec un marché toujours fréquenté et un afflux constant de
visiteurs[32]. Cette
croissance a également été alimentée par l'attrait du mahdisme, qui a attiré de
nombreux croyants à Balda.
4.2.
Développement et relations politiques de Balda
Le développement de Balda sous Modibbo Hayatou s'est déroulé en trois
phases distinctes. Tout d'abord, Hayatou a implanté le mahdisme dans la région,
établissant ainsi une base religieuse solide. Ensuite, il a attiré de nombreux
étudiants, anciens disciples, et membres de sa famille, ce qui a contribué à
faire de Balda un centre intellectuel et religieux important. Enfin, Hayatou a
tissé des relations avec les royaumes voisins de Baguirmi et du Bornou,
renforçant la position politique et économique de Balda[33].Ce
rayonnement régional a été possible grâce à la combinaison de ces éléments.
L'implantation du mahdisme a non seulement attiré des croyants, mais a
également établi Balda comme un centre de pouvoir religieux. Les relations avec
Baguirmi et Bornou ont permis à Balda d'élargir ses influences politiques,
tandis que l'immigration haoussa a contribué à son développement économique. En
somme, Balda est devenue une ville prospère et influente, dont l'impact s'étend
au-delà des frontières du lamidat de
Bogo[34].
L’âge d’or de Balda sous Modibbo Hayatou témoigne de la transformation radicale de la
localité, passant d’un simple lawanat
à un centre régional influent grâce à l’implantation du mahdisme, l’afflux de
personnes venues de l’ancien Adamawa et les relations établies avec d’autres
entités politiques voisines. Subséquemment, nous explorerons les figures
politiques éminentes de Balda en examinant successivement la biographie des Lawan Mouhammadou Oussoumanou, Bouba
Oussoumanou et Dahirou Mouhammadou.
5.
FIGURES POLITIQUES ÉMINENTES DE BALDA
Il est difficile de parler de Balda sans
connaitre la vie de ses leaders qui sont les lawan. Si Balda a connu une
ascension fulgurante avec l’avènement de Modibbo
Hayatou, elle a également été marquée par des figures politiques éminentes à sa
tête.
« En effet, l’histoire se conçoit beaucoup plus
comme une connaissance et une conscience du passé à proprement parler. Aux
leaders fins et avisés ; la connaissance de l’histoire s’avère nécessaire
non pas pour résoudre des problèmes immédiats, mais plutôt pout lui apprécier
le présent et préparer le futur. D’autant plus que l’avenir n’est nullement une
réalité qu’on découvre cachée quelque part, et moins encore un héritage légué
par les aïeux. L’on crée l’avenir par la pensée et l’action. Comme l’histoire
contient tout, elle justifie tout » (Lansiné Kaba, 1995:64).
Parmi ces figures, certains sont devenus les lamibe de Bogo. Cette section présente
une étude biographique de trois lawan notables: Mouhammadou Oussoumanou, Bouba
Oussoumanou et Dahirou Mouhammadou.
Mouhammadou est née vers 1920 à Bogo[35]. Son père était le feu lamido Oussoumanou de Bogo. Très tôt son père l’amène à l’école
coranique dirigée par Modibbo Bakari[36]. Mais la maladie l’empêche de fréquenter. C’est ainsi qu’il ait rapatrié auprès
de son père pour entre initié en matière de gestion d’une localité. Très jeune
son père le nomme à la tête de lawanat
de Balda. Dès son intronisation à Balda, il épouse Maïramou Asmaou qui lui
donne trois enfants dont Fadimatou (née vers 1945), Didjatou (née vers 1947), et Dahirou (né vers 1949[37]). Après la mort de son père (lamido Oussoumanou), il devient
lamido de Bogo en 1948[38].
Jeune homme, ouvert aux idées modernes, la lamido de Bogo sait parfaitement
concilier son commandement coutumier avec son mandat de conseiller à
l’Assemblée Territoriale. Il fait montre des grandes qualités humaines dont la
manière il s’acquitte de l’une et l’autre de ses charges[39]. Vite il saisit l’occasion et siège aux avant-postes des
assemblées locales. Il sera élu à l’ARCAM en 1948, conseillé à l’ATCAM en 1952
puis en 1956, et député à l’Assemblée Nationale du Cameroun en 1960, député
fédérale en 1974 date de sa mort. Souffrant depuis des années d’un diabète, il
devient de plus en plus affaibli.
« L’être humain n’occupe qu’une portion de l’espace
et du temps. Son existence est limitée. Toutes ces actions, y compris les
merveilles de sa créativité, la puissance et la gloire sont éphémères à la
longue, elles représentent tout un rien dans le temps et l’espace. Comme
passent l’orage et l’image des « grands » s’évaporent et s’enent
après leur disparition. Dans toutes les affaires humains, y compris la vie
elle-même, la durée finit par dégouter » (Sourate 36 cité par Lansiné Kaba,
1995:100).
Ainsi, il décède en le 02 septembre 1974 à
l’âge de 51 ans à l’hôpital de Petté[40]. Outre, le lamido
Mouhammadou Oussoumanou qui a régné à Balda mais aussi à Bogo, son frère
également a été sous ses traces.
5.2.
Bouba Oussoumanou
Bouba Oussoumanou est né vers 1927 et
devient lawan de Balda en 1948. Issu de la lignée royale, il est le frère
cadet du lamido Mouhammadou
Oussoumanou. Dès son ascension, il épouse également plusieurs femmes. La
nomination de Bouba à la tête de Balda en 1948 par son frère reflète la confiance que ce dernier
lui accordait, mais aussi l'importance de maintenir l'autorité familiale sur ce
territoire stratégique. Pourtant, les relations entre les deux frères ne
tardent pas à se détériorer, engendrant des tensions au sein de la communauté.
La gestion du pouvoir à Balda devient une source de conflit, où le jeune lawan se retrouve rapidement en
désaccord avec les méthodes et les décisions de son ainé, ce qui va précipiter
un tournant décisif dans sa carrière politique[41].
Les dissensions entre Bouba Mouhammadou et
son frère Mouhammadou Oussoumanou prennent rapidement de l’ampleur, au point de
bouleverser l’équilibre de Balda[42].
Face à ces conflits internes, le lamido
décide d'évincer Bouba de son poste de lawan,
une décision perçue comme arbitraire par une grande partie de la population. Le
lamido Mouhammadou Oussoumanou (son frère cadet) le destitue sans faute grave,
et surtout, sans l’accord des habitants de Balda, qui réagissent avec
indignation. Cette mesure, jugée injuste et unilatérale, renforce
paradoxalement la popularité de Bouba parmi les habitants de Balda. La
population, se sentant solidaire avec le lawan
déchu, lui apporte un soutien massif, ce qui témoigne de l'adhésion populaire à
son leadership. Ce soutien populaire n’échappe pas à l’administration
coloniale, qui perçoit en Bouba un potentiel allié capable de garantir la
stabilité dans la région malgré les tensions familiales[43].
Suite à son éviction, l’administration
coloniale intervient pour éviter une crise politique à Balda. Elle nomme Bouba
Mouhammadou Conseiller Adjoint du Maire, tout en lui confiant d’autres
responsabilités importantes, telles que son intégration au Conseil
d’Administration de la Société Africaine de Prévoyance (SAP)[44].
Ces postes, bien que modestes comparés à celui de lawan, permettent à Bouba de maintenir un certain statut social et
économique tout en restant influent au sein de sa communauté. Après la mort de
son frère en 1974, Bouba accède finalement au trône de Bogo, entamant un
règne de 23 ans marqué par une gestion prudente et une onté de réconcilier les
factions locales. Son leadership, qui s'étend de 1974 jusqu'à sa mort en 1997[45], est souvent perçu comme une période de réajustement
politique et de stabilisation pour Bogo, où il parvient à consolider son
autorité tout en apaisant les tensions héritées de sa rivalité avec son frère[46].
5.3.
Dahirou Mouhammadou
Yerima Dahirou Mouhammadou, l'ancien leader
de Balda, est né vers 1949[47]
à Bogo. Fils du lamido Mouhammadou
Oussoumanou et de Mairamou[48],
il fut dès son plus jeune âge orienté vers une éducation à la fois religieuse
et occidentale par son père, qui voyait en lui un futur dirigeant[49].
Son intelligence était évidente, mais les problèmes de santé l'obligèrent à
interrompre précocement ses études. Enfant, Yerima Dahirou nourrissait déjà de
grandes ambitions, rêvant de suivre les pas de son père en devenant lamido. Il exprimait fréquemment ce
désir devant les princes, déclarant avec conviction. Ce rêve de royauté,
partagé avec ses camarades de jeu dans la cour royale de Bogo, illustre son
aspiration profonde à occuper un jour une position de pouvoir.
Yerima Dahirou se maria avec plusieurs femmes
selon le principe islamique, dont Mamma, Doudou, et Asta Djouldé, ce qui
témoigne de son statut social élevé et de son intégration dans les réseaux
familiaux influents de la région. Sa nomination comme lawan de Balda le 19 octobre 1970 marque un tournant décisif dans sa vie, confirmant
son destin de leader. Cette désignation n’était pas seulement le fruit de sa
filiation, mais aussi de ses qualités personnelles et de son engagement à
préserver et perpétuer l’héritage familial. Yerima
Dahirou[50]
a su utiliser les leçons apprises de son père et de son éducation pour naviguer
dans les complexités politiques de Balda, tout en honorant les traditions et en
respectant les attentes de sa communauté[51].
L’ascension de Yerima Dahirou à la
tête de Balda est un exemple frappant de la manière dont les rêves d'enfance
peuvent se transformer en réalité, lorsqu'ils sont soutenus par une onté
inébranlable et par l'appui de sa communauté. Son parcours, jalonné d’obstacles
qu il a su surmonter, en fait un dirigeant respecté et une figure clé dans
l’histoire récente de Balda[52].
La continuité de son règne témoigne non seulement de son autorité, mais aussi
de sa capacité à incarner l'héritage de son père tout en apportant sa propre
vision à la gestion[53]
de Balda[54].
En somme, l’analyse de Balda en tant que lawanat stratégique du lamidat de Bogo révèle l’importance
irréfutable de cette localité dans les dynamiques politiques et économiques du
Nord-Cameroun. À travers son histoire, Balda s’est affirmé comme un point
stratégique dans la conquête du trône de Bogo, bénéficiant d’une position
stratégique qui a façonné ses interactions politiques et économiques. L’impact
de l’arrivée de Modibbo Hayatou a
consolidé cette importance, transformant Balda en une terre d’accueil et de
développement, influençant ainsi le paysage régional. Les résultats de cette
étude montrent que la place de Balda dans le lamidat de Bogo est le fruit d’une combinaison complexe de facteurs
politiques, économiques et géographiques. Subséquemment,
cette étude sur le lawanat de Balda
permet de connaître les échanges entre le pouvoir local et régional est
inévitable. C’est le cas entre ce lawanat
et le lamidat de Bogo dont Balda en
est la subordonnée. Cette réflexion offre une réflexion pour les investigations
à venir dans le but de cerner le rapport entre l’histoire, le pouvoir et le
développement dans une cadre des chefferies traditionnelles au Nord-Cameroun.
Pour cela, une piste de recherche essentielle pour les études futures serait
d’explorer les dynamiques du pouvoir et le développement des entités
traditionnelles, tout en mettant l’accent sur le lawanat de Balda et le lamidat
de Bogo. Cette investigation permettra aux générations futures se de concentrer
sur la dynamique des interactions entre le pouvoir local et les autorités
régionales, tout en examinant comment ces interactions façonnent la politique
de développement et influencent la mobilisation des ressources.
Sources Orales
N° |
Noms et prénoms |
Fonction |
Dates et lieu d’entretien |
1 |
Adama
Oumara |
Iman
prédicateur de |
Balda
le 9 mars 2018 |
2 |
Adji Gadjama |
Ex-colonel
de l’armée |
Yaoundé
le 6 aôut 2018 |
3 |
Alioum
Dahirou |
Cultivateur
|
Balda
le 14 juin 2018 |
4 |
Blama
Tchari † |
Ex-DG
de MIDIMA (Mission de développement intègre des monts Mandara). |
Maroua
le 19 mai 2019 |
5 |
Dahirou
Mouhammadou † |
Lawan
de Balda |
Balda
le 1er juin 2018 à 10h22. |
6 |
Haman
Djam |
Iman
prédicateur |
Maroua
le 12 octobre 2017. |
7 |
Toukour |
Notable
|
Bogo
le 12 janvier 2018 |
Sources
Archivistiques
1.
APM:
Arrêté portant sur le canton de Balda pour la nomination des djaouro, 2005
2.
ARM:
Arrêté ministériel N°176/VPM/INT/1 portant homologation de la désignation du lawanat de Balda, 19/10/1970.
3.
ARM:
Situation sur les trois lawanat du lamidat de Bogo, dont Balda, Madaka et Ouro-Messere, Maroua, le 16 novembre
1968.
4.
APB:
Bloc note du Yerima Bouba
Oussoumanou, 12 mai 1985
5.
ARM:
Rapport de Mr Menez, Adjoint au chef de subdivision de Maroua sur le lawanat de Balda, Lamidat de Bogo. Tournée du 22 au 28 juin 1954.
6.
ARM:
Cf./30/CF/DDI, Comportement de Yerima
Bouba, lawane de Balda vers le lamidat de Bogo Ier mars 1965.
7.
APB:
Bloc note de lamido Bouba Oussoumanou
sur le rapport florissant de la récolte du mil dans le lawanat de Balda entre 1964 et 1965.
8.
ARM: N°78/L/CF/DDI/22 juin 1970
rédigé par Maïdadi Sadou à Balda à 14h25.
9.
ARM:
Bulletin de note 1947.
10. ARM: Notes de Mr J. Roy chef de subdivision
de Maroua le 04 Juin 1956.
11. ARM: Acte de décès N°2. Maroua, le 10
septembre 1973.
12. ARM: Bulletin de note 1957.
13. ARM: Situation sur les trois lawanat du lamidat de Bogo, dont Balda, Madaka et
Ouro-Messere, Maroua, le 16
novembre 1968.
14. ASB: Bulletin de Note, 1956.
15. ARM: Arrêté ministériel N°176/VPM/INT/1
portant homologation de la désignation du lawan
de Balda.
16. BUCREF, 2010: recensement général de la
population et de l’habitat du Cameroun.
Sources Écrites
1.
Bah,
T. M., (1985), Architecture militaire traditionnelle et poliorcétique dans le Soudan
Occidental: XVIIe à la fin du XIXe siècle, Yaoundé, CLE/ACCT.
2.
Bah,
T. M. et al., (1998), Acteurs de l’histoire politique au
nord-Cameroun XIX et XXe siècle, Ngaoundéré-Anthropos, III, Numéro
spécial.
3.
Charara
Y, (2011), La communauté éducative de
l’école de Madaka, Cameroun. Mémoire de Maîtrise en Education, Université du Québec.
4.
Eldridge
M., (1976) Les Peuls férôbé de Diamaré,
Maroua et Petté. Tokyo, ILCCA,
5.
Eldridge
M., (1988), Les lamidats de Diamaré et du
Mayo-Louti. Tokyo, ILCAA,
6.
Mouhamadou.
A. M., (2019), La diplomatie
traditionnelle entre les lamidats de Maroua, Mindif et Bogo du XVIIIe au XXIe
siècle, Mémoire de Master en Histoire, Université de Maroua.
7.
Njeuma,
M. Z., (1978), Hegemony Fulani in Yola,
Yaoundé.
8.
Njeuma,
M. Z., (1989), Histoire du Cameroun
(XIXe au début du XXe), Paris, L’Harmattan.
9. Ostrom, E., (1990), Governing the
Commons: The Eution of Institutions for Collective Action, Cambridge
University Press.
10. Seignobos et Tourneux., Atlas de la province de l’Extrême-Nord. 2002.
11. Tuan, Y-F., (1977), Space and place: the perspective of experience, University of
Minnesota.
[1] Est un commandement placé
sous l’autorité d’un lamido
[2] Plus de la majorité des lamibe de Bogo ont été les lawan de Balda. La preuve est que les
quatre lamibe (Bakari, Oussoumanou,
Mouhammadou et Bouba) qu’ait connus Bogo ont tous été à la tête de ce lawanat.
[3] À cause de l’installation
de modibbo Hayatou dans ce lawanat.
[4] BUCREF, 2010: recensement
général de la population et de l’habitat du Cameroun.
[5] Propos recueilli auprès
d’Adama Oumara, Imam de la mosquée
centrale de Balda et officie comme Alkali
dans la cour du lawanat de Balda.
[6] Entretien avec Adji
Gadjama, l’ancien colonel de l’armée camerounaise. Sa mère est de l’ethnie
Zoumaya.
[7] Propos de Dahirou
Mouhammadou recueillis qui est le lawan
de Balda depuis 1970 jusqu’à l’ère actuel. Balda le 1er juin 2020 au
quartier Balda Gâré à 10h22.
[8] Entretien le 02 juin 2020
à Balda avec le prince Alioum Dahirou, fils de l’actuel lawan de Balda, Dahirou Mohammadou
[9] Recueil tiré de l’émission
Archive d’Afrique présenté par le journaliste camerounais Alain Foka à la Radio
France Internationale (RFI) chaque samedi à 8h TU et 22h20 TU vers toutes
cibles.
[10] Un arbre d’origine indien
qui pousse dans le milieu tropical.
[11] Excepté Bello qui a été
également un prince influent mais accédant au trône en étant le lawan de
Guinlay et non de Balda.
[12] APM: Arrêté portant sur le
canton de Balda pour la nomination des djaouro,
2005.
[13] APM: Arrêté portant sur le
canton de Balda pour la nomination des djaouro,
2005.
[14] Seul Oudjiri qui n’a pas
passé par Balda pour conquérir Bogo, mais tous les auteurs dirigeants ont des
liens forts avec Balda.
[15] ARM: Arrêté ministériel
N°176/VPM/INT/1 portant homologation de la désignation du lawanat de Balda, 19/10/1970.
[16] ARM: Situation sur les
trois lawanat du lamidat de Bogo,
dont Balda, Madaka et Ouro-Messere,
Maroua, le 16 novembre 1968.
[17] Propos de Dahirou
Mouhammadou recueillis qui est le lawan
de Balda depuis 1970 jusqu’à l’ère actuel. Balda le 1er juin 2020 au
quartier Balda-Gâre à 10h22.
[18] Archives privées du lamidat de Bogo: Bloc de note du Yerima Bouba Oussoumanou, 1984.
[19] ARM: Rapport de Mr Menez,
Adjoint au chef de subdivision de Maroua sur le lawanat de Balda, Lamidat
de Bogo. Tournée du 22 au 28 juin 1954.
[20] ARM: Cf./30/CF/DDI,
Comportement de Yerima Bouba, lawane
de Balda vers le lamidat de Bogo 1er
mars 1965.
[21] Entretien le 02 juin 2020
à Balda avec le prince Alioum Dahirou, fils de l’actuel lawan de Balda, Dahirou Mohammadou.
[22] Archives privées de Balda:
Bloc note de lamido Bouba Oussoumanou
sur le rapport florissant de la récolte du mil dans le lawanat de Balda entre 1964 et 1965.
[23] Les Peuls sont traditionnellement des nomades, cherchant
des paturages pour leurs troupeaux, ce qui est leur spécificité la plus connue.
Cette caractéristique a été soulignée par Eldridge Mohammadou (1976 ; 1988) dans
ses travaux. Toutefois, pour Modibbo Hayatou,
les raisons de son installation à Balda ne sont pas simplement liées à la
recherche de paturages. Il est essentiel d'examiner les facteurs politiques,
économiques et religieux qui ont motivé son choix de s'installer à Balda.
[24] Pour plus de précision
voir Machiavel, Le Prince.
[25] C’est un quartier situé au
nord du lawanat de Balda, derrière la
montagne et une marre appelé « Wehndou
Mizil » sont au centre de ces deux localités.
[26] Elle continue de faire la
fierté de la population de Balda.
[27] L’informateur a souhaité
rester anonyme pour des raisons de sécurité.
[28] Information recueillie
auprès de Blama Tchari, le chef du
quartier Siratare à Balda. Ce dernier
est le directeur général actuel de MIDIMA (Mission de développement intègre des
monts Mandara).
[29] Quand Modibbo Hayatou arrive à Bogo s’installe à Balda. Le lawan Bakari l’a suit par
l’intermédiaire du lamido de Maroua
Mouhamman Sali, mais sans le rencontrer face à face.
[30] Mouvement religieux et
politique qui s’appuie sur la figure d’un homme plus précisément le Mahdi.
[31] Ibid.
[32] Information rapportée par
Adama Oumara l’imam de la mosquée
centrale de Balda. Celui-ci nous relate que son arrière-grand-père avait
participé à cette bataille de Balda à côté du Modibbo Hayatou dont il était un fervent disciple.
[33]Ibid.
[34] Information recueillie
auprès de Blama Tchari, le chef du
quartier Siratare à Balda. Ce dernier
est le directeur général actuel de MIDIMA (Mission de développement intègre des
monts Mandara).
[35] ARM: Bulletin de note
1947.
[36] C’est un érudit peul
originaire de Sokoto dans le Nord-Est du Nigéria installé à Bogo vers 1895.
[37] ARM: Bulletin de note
1947.
[38] Ibid.
[39] ARM: Notes de Mr J. Roy
chef de subdivision de Maroua le 04 Juin 1956.
[40] ARM: Acte de décès N°2.
Maroua, le 10 septembre 1974.
[41] ARM: Situation sur les
trois lawanat du lamidat de Bogo, dont Balda,
Madaka et Ouro-Messere, Maroua,
le 16 novembre 1968.
[42] ARM: Situation sur les
trois lawanat du lamidat de Bogo, dont Balda,
Madaka et Ouro-Messere, Maroua, le 16
novembre 1968.
[43] Archives de la
Sous-préfecture de Bogo: Bulletin de Note
[44] ARM: Arrêté ministériel
N°176/VPM/INT/1 portant homologation de la désignation du lawan de Balda.
[45] Ibid.
[46] Ibid.
[47] ARM: Bulletin de note
1947.
[48] D’autres sources également
disent qu’on l’appelle Asmaou.
[49] C’est la tradition dans
tous les cercles du pouvoir. Un chef doit toujours veiller à son premier fils,
qu’il considère toujours comme son digne successeur. Ainsi, Le jeune prince
Dahirou a également reçu cette affection de son père, le feu lamido Mouhammadou
Oussoumanou.
[50] Il est l’homonyme du
lamido Yaya Dahirou. Le Lamido Yaya Dahirou de Maroua
(1943-1958) est une figure emblématique de l’histoire coloniale dans le
Nord-Cameroun, ayant joué un rôle central pendant la période coloniale
française dans la ville de Maroua. Successeur d'une longue lignée de chefs traditionnels,
il a su naviguer entre les intérêts des colons français et les aspirations de
son peuple. Au cours de son règne, qui coïncide avec l'administration
coloniale, il a contribué à maintenir la stabilité dans la région en
collaborant avec les autorités françaises, tout en préservant une certaine
autonomie culturelle pour son peuple. L'une de ses actions les plus notables
fut son rôle de médiateur entre les colons et les populations locales. Il a
œuvré pour apaiser les tensions, tout en garantissant que les lois coloniales
soient adaptées aux réalités locales, notamment en ce qui concerne la gestion
des terres et la collecte d'impôts. Le Lamido Yaya Dahirou a également été un
vecteur de modernisation dans la ville de Maroua, en soutenant la construction
d’infrastructures telles que des routes, des écoles et des centres de santé,
tout en restant fidèle aux traditions islamiques et coutumières. Sous son
règne, Maroua s'est progressivement transformée en un centre administratif
important pour les français, tout en devenant un lieu de convergence pour les
échanges commerciaux et culturels dans le Nord du Cameroun. En dépit des
pressions coloniales, le Lamido Yaya
Dahirou a su défendre les intérêts de son peuple, assurant ainsi que les
traditions locales et islamiques soient respectées dans la mesure du possible
sous l'administration française. Son leadership et son habileté politique ont
fait de lui un acteur clé de la période coloniale dans cette région.
[51] L’informateur a souhaité
rester anonyme pour des raisons de sécurité.
[52] À cause de sa connaissance
en matière de gestion de la cité, il est consulté par tous les lawan et lamibe de Bogo dans le domaine politique et économique. Malgré les
rivalités existantes entre Dahirou et les autres princes de Bogo, pourtant, il
est toujours le premier à être sollicité par les lamibe Bouba Oussoumanou et Ahmadou Oussoumanou.
[53] Un chef travailleur joue
un rôle central dans la gestion de sa cité. En étant engagé dans des projets
communautaires, il incarne l’autorité et la responsabilité qui reposent sur lui
pour améliorer les conditions de vie de ses administrés. Un chef actif et
visionnaire est à l’origine des initiatives économiques locales, notamment dans
l’agriculture, l’éducation, et les infrastructures de santé. Par son exemple
acharné, il inspire non seulement les membres de sa communauté, mais aussi
établit un cadre propice à la coopération et à l’entraide. Ce rôle de guide
économique et social est fondamental pour le développement durable d’une cité.
[54] Ibid.
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